De ce voyage immobile ressort une nécessité corollaire dont le peintre a la maîtrise : le traitement des couleurs se doit, dans ce contexte, d'apporter lui aussi sa part d'irréalité. Quantitativement, il y a "resserrage" vers trois ou quatre tons dominants par tableau. Ils sont issus d'une alchimie de palette dont les penchants tendent aux bleus rares et aux gris d'aciérage que viennent brûler des rouges de forges ou des fumées de soufre.
C'est bel et bien de matière et de fusion qu'il s'agit, dans une création globale où la dissimulation, lentement, le cède à l'émergence, quand rien ne semble circuler vraiment mais où tout paraît natif. Je perçois encore, dans les zones sombres qui presque toujours recouvrent les parties basses de ces compositions un désir de retour à la terre et au sol destiné à nous rappeler la faille vive ou l'échancrure des bassins.
Je ressens que, fondamentalement, ce projet pictural dépasse la volonté exclusive de traduire un monde purement fait de nuées en interférences pour se porter vers un cosmos élargi. Là se situe sa force intrinsèque, liée à la composante visionnaire dont il est doté de surcroît. Par cette aptitude si caractéristique qu'il a également à faire sourdre une pensée inquiète lorsqu'il se plaît à conduire la perception vers ces abîmes de clarté aveuglante où la fusion chromatique est telle - suprême paradoxe pour le coloriste puissant qu'est Alain BESSE ! - qu'elle y tend à la non-couleur absolue.
Charles Bagioli
Historien d'Art